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Le mythe du multitasking (et ses effets délétères)

Combien d’heures par journée de travail parviens-tu à rester concentré.e sur une seule tâche à la fois ?

Peu, si tu es comme la majorité d’entre nous.

A la place, ton temps est probablement englouti par un balais incessant de tâches que tu enchaînes les unes après les autres, branché.e sur le mode « zapping » continu.

On estime qu’aujourd’hui, en entreprise, un collaborateur est interrompu en moyenne toutes les 11 minutes (Fondation APRIL- Institut BVA, 2018).

Le fait d’être « fréquemment interrompu dans son travail » est le facteur de stress le plus important pour 74% des salariés (CFE CGC – Baromètre Stress Vague 17 – Décembre 2011).

Autrement dit, c’est comme si une personne se postait derrière-toi et te tapait sur l’épaule toutes les 11mn.

Hey ! T’as pas 2 minutes pour regarder ça ?

Hey ! t’as un rendez vous dans une heure.

Hey ! On va déjeuner ?

Hey ! T’as vu que Guy a été remplacé par Pablo ?

Inquiétant, non ?

Le pire, c’est qu’on ne s’en rend même plus compte tellement c’est devenu banal. La cohorte d’outils numériques a achevé de rendre normal et acceptable d’interrompre sans restriction ses collègues.

Pour faire face à cette flopée de sollicitations et à la frénésie d’instantanéité qui agite nombre d’entreprises, on jongle tant bien que mal d’une tâche à l’autre.

Répondre à ses mails pendant ses conversations téléphoniques, poster sur Linkedin en pleine réunion, caser un maximum de tâches dans les heures imparties.

C’est tout l’art du multitasking.

Souvent, on se place soi-même à la merci de ces interruptions en restant en permanence connecté.e, boîtes de réception, messageries et réseaux sociaux ouverts en continu, portable à portée de main, notifications actives, par peur de rater une demande importante.

Les autres et leurs sollicitations impromptues ne sont pas les seuls responsables de cette tendance, cela dit.

Le multitasking nous séduit parce qu’il donne une illusion de productivité. Après tout, si on court en permanence, c’est bien qu’on cravache, non ?

Il peut même y avoir quelque chose de grisant à cette frénésie, un certain sentiment d’utilité, de professionnalisme, voire même une fierté à pouvoir faire plusieurs choses en même temps. Parfois on le fait parce qu’on s’imagine que cela nous vaudra de la reconnaissance, ce qui n’est pas toujours le cas.

D’ailleurs, on associe souvent la productivité et l’engagement au fait d’avoir l’air occupé et de produire des signes visibles de ses activités plutôt qu’au fait de travailler des journées entières en sous-marin sur un dossier.

Le paradoxe, c’est que ce mode de fonctionnement est rarement synonyme d’efficacité, encore moins d’efficience.

Eh oui, mauvaise nouvelle : le cerveau ne SAIT PAS faire plusieurs choses à la fois (pas plus celui d’une femme que d’un homme, soit dit en passant).

Chaque fois qu’on s’imagine réussir à mener deux tâches de front, on est en réalité en train de sauter très rapidement d’une tâche à l’autre.

Le prix du multitasking

“Un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie que lorsqu’il est réalisé en plusieurs fois” - Loi de Carlson

Chaque passage nous coûte :

En temps : 2 min 30 s en moyenne pour retrouver l’état de concentration d’avant l’interruption.

En énergie. Chaque fois qu’on switche d’une tâche à l’autre, d’un onglet à l’autre, d’un écran à l’autre, on oblige le cerveau à décrocher d’un sujet pour s’accrocher tant bien que mal à l’autre, ce qui lui demande énormément d’effort, le tout pour quelques minutes avant de devoir de nouveau se concentrer sur la tâche précédente…ou une nouvelle interruption ( 41% des tâches interrompues ne seraient pas reprises dans la foulée).    

En performance. Les interruptions nous font perdre 28% de productivité selon Cyril Couffe, spécialiste de l’attention.

D’après Glenn Wilson, professeur de psychologie, on pourrait même perdre jusqu’à 10 points de QI face à la résolution d’un problème lorsqu’on est dérangé.

On est plus prompt aux erreurs et aux étourderies parce que plus dispersés.

On sacrifie la qualité du travail accompli sur l’autel de la rapidité, ce qui donne souvent le sentiment frustrant et désagréable de bâcler son travail.

Les tâches qui requièrent, justement, un minimum de temps consacré à la concentration, qui sont souvent celles qui nous permettent d’apporter le plus de valeur et qui exigent un travail de fond, sont celles qui pâtissent le plus du multitasking. On a souvent besoin d’un temps plus long sans interruption pour pouvoir avancer efficacement sur ces tâches. Impossible d’entrer dans le flow si on est interrompu toutes les 5 minutes. Le zapping se fait donc souvent au détriment de ces tâches de fond.

Avec le temps, le cerveau s’habitue à ce jeu de saute-mouton, mais pas dans le bon sens. Le risque est d’avoir de plus en plus de mal à rester concentré·e sur une seule tâche à la fois et à fixer son attention. On a plus de mal à résister aux distractions. Plus de mal, aussi, à gérer les priorités et le flux de données entrantes, à distinguer ce qui est important ou urgent.

Surcharge cognitive, fatigue mentale, frustration, sentiment de ne pas avancer et donc découragement…l’addition du zapping est salée, aussi bien pour le bien être de chacun que pour la performance réelle au niveau collectif : le sujet n’est pas qu’individuel mais aussi systémique, voire sociétal.

Pour se protéger du multitasking, l’objectif est double :  se protéger des interruptions, et apprendre à résister aux distractions et à se concentrer pleinement.

Auto-diagnostic de ton multitasking

Le multitasking chronique, devenu une habitude bien ancrée au quotidien, peut avoir plusieurs sources.

Comprendre ce qui alimente ton habitude au multitasking t’aidera à trouver les parades les plus adaptées pour t’en prémunir quand cela devient trop bloquant pour toi.

On peut distinguer deux types de déclencheurs : externes, ceux qui ne dépendent pas de toi, et internes.

Externe #1 : Se laisser happer par un flot continu de sollicitations et interruptions

  • Mon temps est souvent piraté par les demandes externes qui me détournent de mes objectifs
  • Quand je reçois une demande, j’interromps généralement ma tâche en cours pour y répondre
  • J’ai beaucoup de mal à dire non lorsqu’un collègue me demande quelque chose
  • Dans mon travail, tout est toujours urgent et doit être fait dans la minute (en tout cas, c’est comme cela que les demandes sont présentées)

Tu es assailli.e de demandes diverses et interrompu.e à tout bout de champ au cours de tes journées. Chaque sollicitation t’oblige à dériver ton attention, voire à cesser la tâche en cours pour traiter la demande sur le moment.

La parade : faire barrage aux sollicitations continues et apprendre à dire non

Externe #2 : Crouler sous une surcharge de travail

Tu as tant à faire que tu ne sais plus où donner la tête. Pour faire face à ta charge de travail, tu as toujours plusieurs casseroles sur le feu, toutes plus urgentes ou importantes les unes que les autres de sorte que tu as besoin de tout gérer en même temps.

La parade : mettre en place un système de filtre et de tri des tâches entrantes

Interne#1 : Céder aux tentations des distractions numérique

  • Au travail, lorsque j’ai une tâche à faire et que je n’arrive pas à m’y mettre, je me sers du numérique comme excuse pour procrastiner
  • Au travail, je passe rarement plus de quelques minutes sans faire une incursion sur ma boîte de réception, les réseaux sociaux, ou tout autre site ou application pour me changer les idées
  • Je passe beaucoup de temps au travail à envoyer des messages personnels, ou à échanger avec mes collègues des messages qui ne sont pas directement en lien avec notre travail
  • Lorsque mon portable m’avertit d’un nouveau message, mail, ou autre notification, je ressens un besoin irrépressible de regarder de quoi il s’agit

Au travail, tu as du mal à résister aux tentations que représentent le numérique.

Tu passes tes journées à zapper sur les différentes applications et outils, qui t’offrent parfois une distraction bienvenue pour ne pas avoir à t’attaquer à des tâches de fond qui te demandent plus de concentration. C’est un cercle vicieux, plus tu zappes moins tu te concentres, et plus tu papillonnes.

La parade : apprendre à résister aux tentations, en posant des garde-fous

Interne #2 : Bouillonner d’idées et se disperser

  • J’ai du mal à garder une liste organisée de tout ce que j’ai à faire. J’en ai un peu dans un carnet, un peu sur des notes dans mon téléphone, un peu dans mes mails que je garde en non lus et beaucoup dans ma tête.
  • La liste de tout ce que j’ai à faire m’occupe beaucoup l’esprit, je me demande souvent ce que je suis en train d’oublier et j’ai peur de rater des deadlines
  • Lorsque je me souviens de quelque chose que je dois faire, j’ai beaucoup de mal à résister à l’impulsion de le faire tout de suite
  • J’ai beaucoup d’idées qui me viennent en tête en continu

Tu as toujours mille choses en tête, qui affleurent dans ton esprit tout au long de la journée.

Résultat : concentré.e sur une tâche, tu te souviens soudainement que tu dois répondre à un mail, signer un document, rappeler Untel…et chaque fois, tu es tenté.e de t’interrompre pour t’en occuper, et tu le fais souvent.

La parade : mettre en place un système pour y déposer ce qui te passe par la tête sur le moment et le gérer ultérieurement

Bonnes pratiques anti-multitasking

Se protéger des interruptions

Ta capacité de concentration est limitée. A trop répondre aux sollicitations des autres, tu n’as plus le temps de travailler à tes propres objectifs, ce qui peut nuire à ton sentiment d’efficacité, à ta satisfaction voire à ta confiance en toi. Il est important que tu apprennes à te protéger de ces interruptions.

Couper les notifications

Garde en tête qu’à partir du moment où la demande arrive jusqu’à toi, parce que tu as reçu une notification par exemple, le mal est fait. Même si tu n’y réponds pas dans l’immédiat, cela suffit à te distraire.

D’où l’importance de couper l’accès pour ne pas laisser les demandes arriver jusqu’à toi lorsque tu veux rester concentré.e sur une tâche et pour choisir le moment où tu choisis de leur donner ton attention.

Supprime les notifications, tant sur ton téléphone que sur ton navigateur.

Couper les notifications t’évitera d’être constamment distrait.e, et de choisir, à la place, à quel moment tu consacres du temps à tes mails, tes messageries, tes applications, etc.

Deux outils à tester pour bloquer l’accès aux sites ou applis tentatrices :  Cold Turkey ou BlockSite

A lire aussi : Déconnexion : 8 conseils pour protéger son attention au travail

Poser tes règles

As-tu ta boite mail ouverte en continue sur ton navigateur de sorte que tu la consultes plusieurs fois par heure ? Ou la messagerie interne de ton entreprise ou tout autre outils ou application par lesquels arrivent de nouvelles demandes ?

Si c’est le cas, on te propose de changer de pratique.

A la place, décide de la fréquence minimum de consultation de ces messages qui est acceptable selon ton travail. Peut-être qu’une fois par jour suffit. Peut être une fois par heure ou par ¼ d’heure, c’est à toi de le définir mais en prenant en compte les besoins réels.

Si tu n’es pas sûr·e, expérimente : diminue progressivement la fréquence et vois ce qu’il se passe.

Pour aller plus loin : découvre la technique du Time Blocking

Te rendre indisponible

Objectivement, est-il vraiment nécessaire que tu sois disponible en permanence pour tes collègues, clients, ou autres interlocuteurs ?

Même si ton job requiert une grande disponibilité (parce que tu es commercial·e par exemple), tu disposes certainement d’une certaine marge de manœuvre pour pouvoir couper complètement les communications pendant au moins 1h dans ta journée et éviter d’être interrompu.e.

Quel minimum acceptable de disponibilité avant que ce soit critique, que cela nuise vraiment à tes responsabilités et à celles de ton équipe ?

Identifie les plages horaires pendant lesquelles tu peux te rendre inaccessible : couper ton téléphone, te mettre en mode avion, ne pas regarder tes mails, voire te déconnecter carrément d’internet.

Ou mieux : identifie les plages horaires pendant lesquelles tu te rends disponible – le reste du temps tu ne l’es pas.

Tu peux paramétrer un message automatique pour indiquer aux personnes qui cherchent à te joindre quand tu seras de nouveau disponible.

Et si quelqu’un te sollicite sur tes plages d’indisponibilité, réponds simplement « Est-ce ça peut attendre telle heure ? Je serai disponible à ce moment-là».

Note : Le mode « Ne pas déranger » des téléphones permet de couper le son, de désactiver le vibreur et de bloquer les notifications . Il peut être facilement configuré pour choisir de qui on laisse passer les appels ou messages voire programmer un passage automatique dans ce mode.Idéal pour couper toute notification d’un coup ou rester dispo en cas d’urgence sans être dérangé.e à tout bout de champ !

A lire aussi : 2h chrono pour déconnecter (et se retrouver) : interview de Virginie Boutin

Apprendre à dire non

Si tu veux protéger ta concentration et ton attention, tu as besoin de pouvoir dire « non » aux nouvelles demandes qui ne sont pas prioritaires.

Lorsque tu reçois une requête à laquelle tu ne veux pas répondre dans l’immédiat, parce que tu es déjà sur une tâche prioritaire, entraîne-toi à expliquer posément et fermement que tu n’es pas disponible et indique à quel moment la personne peut te recontacter pour en rediscuter.        

Pour aller plus loin : apprendre à prioriser les demandes entrantes grâce à la matrice d’Eisenhower

Le coup de pouce à soi-même

Si, malgré ces garde-fous, tu es interrompu.e dans une tâche (parce que oui, cela risque encore d’arriver), note où tu en es dans ta tâche et comment reprendre. Cela t’aidera à t’y replonger plus facilement et en perdant moins de temps et d’énergie.

Eviter la dispersion

La liste tout-venant (ou le vide cerveau)

Tu es en plein dans la rédaction d’un document. Et puis tu te rappelles que tu dois caler une réunion avec Laura. 5 minutes après, tu penses à une nouvelle solution pour le problème soulevé par ton équipe ce matin. Tiens, et si tu achetais un guide de l’Auvergne à cet ami pour son anniversaire ? Mince, tu as oublié de payer la facture de téléphone ce mois-ci. Et ainsi de suite.

Si ça ressemble à ça dans ta tête pendant une journée de travail, tu dépenses sans doute beaucoup d’énergie à ne pas te laisser happer par ce flot de pensées.

Pour y remédier, essaie la technique de la liste tout-venant : garde un carnet dédié ou une feuille volante à portée de main. Chaque fois qu’une idée ou pensée te vient, note-la sur le champ…et oublie-lz. Sans trier, sans classer.

Ensuite, dédie un temps pour faire le tri dans cette liste et planifier les tâches associées.

Plus l’interruption est longue, plus il est difficile de t’y remettre. Ce système te permet de limiter la casse tout en te libérant l’esprit (sinon tu risques de dépenser de l’énergie mentale à lutter contrer tes pensées et à les garder à l’arrière de ta tête)

Découper tes journées en tranches : la technique Pomodoro

La technique Pomodoro® a été développée par Francesco Cirillo à la fin des années 1980.

Le principe est simple : découper les journées de travail en séquences courtes, entrecoupées de pauses brèves.

Cette technique permet de résister plus facilement aux interruptions et distractions, puisqu’elle exige un temps relativement court de concentration pleine.

Une session de travail s’appelle un “pomodoro” (“tomate” en italien, d’après la forme du minuteur de cuisine utilisé par l’inventeur -italien- de la méthode), et tous les 4 pomodori (le pluriel de pomodoro) on prend une pause plus longue, de 15 à 30 minutes.

A lire aussi : La méthode Pomodoro : pourquoi tu as intérêt à l’essayer

Lutter contre la procrastination

On ne va pas se le cacher, le multitasking est parfois une couverture au manque de motivation ou d’envie, à l’ennui, à la difficulté à s’atteler pleinement à ce qu’on devrait être en train de faire mais qu’on n’arrive pas à faire.

Bref : le multitasking sert d’alibi pour procrastiner, en ayant l’impression de faire quand même quelque chose.

Dans ce cas, voici quelques astuces pour y remédier : La Boîte à outils anti-procrastination

Freiner

C’est l’impression de manquer de temps qui nous incite à faire plusieurs choses en même temps.

Voici un conseil difficile à mettre en place mais néanmoins rudement efficace : quand on sent que le rythme s’emballe, freiner

Il s’agit de couper le pilote automatique, de faire un pas de côté ou de prendre de la hauteur sur les choses, et de profiter de ce moment pour décider intentionnellement de ce que tu vas faire.

Quand tu te sens pris.e dans la spirale du multitasking, prends quelques minutes pour respirer, te recentrer.

Et demande toi : quelle est LA tâche juste à laquelle m’atteler là, tout de suite ?

La technique qui marche : la cohérence cardiaque.

Quand tu t’observes en plein multitasking, visionne la vidéo ci-dessous pour 5 mn de cohérence cardiaque :

T’entraîner en douceur

Le travail n’est pas forcément le meilleur environnement pour t’entraîner à ne faire qu’une seule chose à la fois, surtout si tu évolues dans un environnement où les interruptions sont fréquentes et où tu es très sollicité.e.

Pourtant, accumuler les petites expériences de pleine concentration peut être très bénéfique pour t’aider à vivre ce que cela fait de ne s’adonner qu’à une tâche à la fois et cesser la spirale du multitasking.

Pour cela, tu peux t’entraîner sur des activités simples du quotidien, pendant lesquelles tu as tendance à être interrompu.e : cuisiner, jardiner, lire, jouer…

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